Page:Gourmont - Lettres à Sixtine, 1921.djvu/108

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brochée, un peu usée et fanée, je songeais comme Berthe serait bien et ferait bien à côté de moi. J’arrive et c’est une sensation de dépaysement ; la maison, peuplée pourtant, a des airs de chose vide ; au sortir du bruit, elle semble muette.

Les objets, les personnes, la nature, le monde sont vraiment ce que nous les faisons, ce que nous les voyons, et je me demande, plus que jamais, si les choses existent ailleurs que dans notre cerveau, si elles ont une réalité en dehors de notre pensée et de notre conscience. Ce qui vit, ce qui est pour moi, en ce moment, ce sont les deux petits coins de Paris, où elle se meut, où elle respire ; chez toi et chez moi c’est là que je suis resté.

Sûrement il m’est agréable de voir ma famille, que j’aime beaucoup pour mille raisons, sans nombrer les autres, mais ce n’est pas la même case ; je manque de tes baisers. Si seulement, par-ci, par-là, j’avais le bout de tes doigts que j’aime