Page:Gourmont - Lettres à Sixtine, 1921.djvu/87

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d’une fois nous firent douter de nous-mêmes, du bonheur possible ; pourtant nous l’avons atteint. Garde-le-moi ; tu tiens ma vie. Comme je t’aime et comme je vais t’aimer, non pas davantage, serait-ce possible, que je ne l’ai fait jusqu’ici, mais autrement, il me semble, sans plus de doutes, car je ne douterai jamais de toi. Il y a si longtemps que je t’aime ; et comme la joie suprême, toujours attendue, toujours fuyante, a été radieuse ! Toute tu m’appartiens, et moi aussi je suis à toi sans restriction aucune. Et sans cet abandon absolu, sans ce don mutuel, nous ne pouvions que vivre inquiets, incomplets, torturés par cette sensation du désir jamais désaltéré.

Et peut-être aura-t-il été bon que nous ayons attendu ainsi ; cela donne à ton abandon un prix plus rare encore. Mais songe, maintenant que nous nous aimons sans craindre le lendemain,