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muses d’aujourd’hui

tion, une vraie poésie réintègre son état de pierre brute, sans couleur et sans reflet. Il est peut-être moins nécessaire pour un poète de posséder une langue très riche de mots qu’un sens inné, instinctif, de cette suggestion, dont j’ai parlé. Cependant, s’il y a de vrais poètes presque tout à fait ignorants, il n’y en a pas de grands sans une connaissance profonde de leur langue.

Mme Marie Dauguet excelle à évoquer les images odorales, les plus subtiles, les plus intraduisibles de toutes les images. Dans une des plus belles pièces de Par l'Amour, je cueille ces vers :

Trempé d’aube, dehors, le fumier resplendit,

. . . . . . . . . . . . . . .

Et lance vers le ciel des parfums attiédis.


Cernant une écurie ouverte au toit de mousse,
Qu’emplit un vibrement nuageux d’ombre rousse,
Du purin, noir brocard, s’étale lamé d’or,