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muses d’aujourd’hui

C’est la sensibilité de l'homme qui vivifie la nature ; les poètes romantiques l’avaient attristée de mélancolie : il semblait que les bois ne pouvaient être que le refuge des douleurs d’amour. Marie Dauguet, dans ses Pastorales, a renversé cette valeur sentimentale et a voulu redonner à la nature son véritable aspect : la voici devant elle, comme un jeune dieu plein de vie et de santé. La poétesse trouvera pour la décrire toutes les images qui évoquent l'amour, la tendresse et la passion humaines. Le soir, pour elle, sera tiède et doux comme des bras d’amant. Le soir la saisit comme une étreinte : alors, c’est sa propre sensation qu’elle transporte dans le paysage, c’est une femme amoureuse qui défaille :

Tout s’émeut. On entend l’horizon haleter,
La terre sensuelle et lourde palpiter,
Que l’émoi des pollens féconds enthousiasme.