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marie dauguet

propre reflet de sa propre passion. Parfois, la prière qu’elle adresse au soleil se fait mystique et semble se souvenir, s’inspirer de réminiscences religieuses. Ces vers sont beaux ;

L’espace attend, les vents prosternés sont pieux ;
La terre te désire d’une amour éperdue
Formidable soleil…

Les premiers vers rappellent un cantique à Jésus ; la poétesse, dans son ardeur de néophyte païen, ne peut oublier les premières mysticités, les premières amours pieuses de son enfance. Un parfum d’encens surnage encore dans le temple.

Une sorte d’inquiétude divine persiste :

L’au-delà transparaît sous le réel usé ;
J’ai dépassé mes sens… enfin divinisé
Et m’enfonce en la nuit ouvrant son vaste abîme.

Ô nuit, libère-nous… Hors du cachot charnel,
Que, par toi, nous flottions comme un parfum d’autel,
Ô solennelle nuit… Ô nuit sérénissime.