Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
muses d’aujourd’hui

de croire que notre sensibilité poétique puisse augmenter d’intensité : il y a seulement, dans l’évolution apparente de notre sensibilité, adaptation de notre organisme pour percevoir toujours le même degré d’émotion. Notre organisme ne perçoit plus les sensations trop souvent répétées ; de là la nécessité d’aggraver l’expression poétique ou musicale ; de là, en musique, les accords de neuvième, en poésie, les dièzes verlainiens, en peinture, l’impressionnisme. La sensibilité n’évolue pas, mais seulement les formes qu’elle suscite. On peut formuler cette loi, puisque l’évolution organique ne saurait s’exercer que sur des périodes incalculables. La poésie s’adapte donc aux exigences de notre organisme qui a besoin d’émotions nouvelles pour être troublé. C’est ce qui explique que les grands poètes et les vrais musiciens exagèrent toujours l’expression de leur formule nou-