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essai de physiologie poétique

note encore Stendhal, n’est pas même commencé ; ce n’est que par hasard que l’on trouve les phrases qui disent : je suis en colère, ou je vous aime, et leurs nuances. Le maestro ne trouve ces phrases que lorsqu’elles lui sont dictées par la présence de sa passion dans son cœur, ou par son souvenir. Les gens qui passent le feu de la jeunesse à étudier au lieu de sentir ne peuvent donc pas être artistes, rien de plus simple que ce mécanisme. »

On peut constater que toute vraie poésie est sensuelle et même sexuelle : expression d’un état de désir physique, transposé, elle éveille en nous les images qui l’ont fait naître. C’est que le poète est le maître du langage, et que le langage est avant tout l’expression de l’instinct sexuel : « Le centre des idées génitales, écrit le Dr  Voivenel[1], est fonctionnellement rattaché au cen-

  1. Dr  Paul Voivenel, Littérature et Folie, 1 vol. in-8e. Toulouse, Gimet-Tisseau, 1908.