Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/47

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en se suggestionnant cette pérennité de sa propre vie dans son œuvre, elle éteint une de ses angoisses : la peur affreuse de la mort. Alors, elle accumulera dans ses volumes, comme une abeille dans les alvéoles de sa ruche, toutes ses sensations, ses soirs et ses matins, et tous les aspects des heures qu’elle aura vécu. Elle déposera secrètement toute son âme, toute sa chair, toute sa vie, dans son œuvre.

J’écris pour que, le jour où je ne serai plus,
On sache comme l’air et le plaisir m’ont plu.
Et que mon livre porte à la foule future
Comme j’aimais la vie et l’heureuse nature.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et qu’un jeune homme alors, lisant ce que j’écris,

Sentant par moi son cœur ému, troublé, surpris,
Ayant tout oublié des compagnes réelles,
M’accueille dans son âme et me préfère à elles.

Cet espoir, où se mêle un regret désespéré, la poétesse le dira avec une plus belle précision encore dans ces vers :