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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/157

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volonté jusque dans la furie. Si l’on se choisit des principes, ou ce simulacre seulement, une devise, il les faut tels que l’évolution de notre nature n’en soit pas contrariée. Quoi de plus fâcheux que de se tresser soi-même les liens de chanvre trop solides où les membres vont se révolter immobiles ? Les esprits supérieurs ne sont jamais enclins à ces erreurs de jugement. La prison qu’ils élisent est si vaste qu’on y taillerait d’immenses domaines pour un million de désirs. Élisabeth disait : « Ne rien craindre, souhaiter tout, être indifférent à tout. »

Cependant, voici le point douloureux. L’indifférence naturelle n’est plus souvent que le signe de l’inintelligence. L’indifférence acquise est une conquête glorieuse et douloureuse. Il faut avoir cruellement souffert pour avoir appris à ne plus souffrir. Mais le détachement entretient encore, et dans l’être tout entier, un état général de sensibilité que le moindre écho du passé va exalter jusqu’à l’anéantissement. Alors, l’idée de la mort se présente ; car il faut que la vie ait un but : c’est la mort, si ce n’est la vie. M. Christomanos devine et démêle cet écheveau. Voici trois petites phrases qui prouvent qu’il a compris[1] :

  1. Pages 109, 110, 111.