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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/163

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M. Edmond Pilon. Celui qu’il nous donne[1] est fort joli ; il est même trop joli, et il laisse dans l’esprit des doutes sur sa parfaite fidélité. C’est d’ailleurs le ton du volume : l’auteur a trouvé moyen de louer jusqu’à Saint-Just, cette panthère, de le trouver charmant, « sensible », et de le comparer à saint Sébastien. Il y a là une faute, non de jugement peut-être, mais de goût ; elle se retrouve, moins accentuée, dans le portrait de Fabre d’Églantine.

Celui-ci n’était pas, comme Saint-Just, un criminel voué nécessairement à la potence. S’il devint méchant, haineux et fou, ce ne fut point par un développement logique de sa nature, mais par contagion. Il était fait pour aimer (et il ne s’en priva point), pour chanter des romances, rimer d’agréables comédies, pour parader devant les femmes et sur les planches, car il était comédien. Sans la Révolution, on le distinguerait mal du paterne Collin d’Harleville ; il a seulement plus d’esprit, moins de naïveté et aussi moins d’honnêteté.

C’était un méridional. Élevé chez les Doctrinaires (congrégation enseignante, alors rivale des

  1. Dans ses Portraits français, préface de P. et V. Margueritte, — Bibliothèque internationale d’édition, 1904.