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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/266

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athée et immoraliste ; mais quand une crise l’eut rejeté vers la religion, il demeura immoraliste ainsi qu’en sa première phase, et cela parut singulier. On ne sut jamais bien, ni peut-être lui-même, si son catholicisme baudelairien coïncidait avec une foi très profonde. « Il croit croire, » avait-on dit de Chateaubriand. Barbey d’Aurevilly était peut-être au contraire tellement assuré de sa croyance qu’il prenait avec elle toutes sortes de libertés, même celle de lui être infidèle. C’est aussi qu’il avait étudié assez profondément l’histoire pour avoir appris que les meilleurs catholiques et les plus utiles à leur religion et à leur parti furent en même temps de grands païens.

La race d’où il sortait est une des moins religieuses de la France, quoiqu’une des plus attachées aux pratiques extérieures et traditionnelles du culte. L’influence du sol, du climat, est ici nettement visible : les Danois demeurés dans leur pays ont incliné, avec les siècles, vers une religiosité sombre, toute repliée dans l’obscurité de la conscience ; ils portent leur foi en leur cœur comme le paysan portait un serpent dans son giron. Devenue normande, cette race naïve s’est épanouie au scepticisme avec une prudente lenteur. D’une incrédulité