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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/275

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Mais si son talent était, à cette époque, trop maniable, son caractère l’était fort peu. S’il se galvaude, c’est avec insolence ; il malmène le public, qui se fâche, le journal se ferme et la médiocrité de sa fortune l’oblige à s’enquérir d’une nouvelle tâche. Un écrivain n’est pas une abstraction ; il faut lui tenir compte des obstacles extérieurs que la vie lui suscite et aussi des obstacles intérieurs, des nœuds, des rugosités et des épines qui font l’écorce de certains talents. On a pris thème du dandysme qu’affectait Barbey d’Aurevilly pour le présenter tel qu’un homme surtout occupé à étonner ses contemporains. Je crois que, caractère très complexe, très sensible en même temps que très orgueilleux, il voulut à la fois plaire et déplaire. Il y a dans sa tenue une extraordinaire maladresse. Écrivain ou dandy, il manque très souvent ses effets, par trop de fièvre, trop de sincérité. Car cet individualiste est sincère jusqu’à la folie. Ses excentricités sont invincibles. Se plier à la mode, qu’il s’agisse du vêtement, des idées ou du style, il ne le fera jamais. On vient de l’appeler, avec un dédain qui n’est que de l’étourderie, « un romantique attardé ». Quand on meurt à quatre-vingts ans la plume à la main, on est nécessairement « un attardé ». Il faudrait se