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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/307

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qui déclare que l’animal le plus solitaire a ses pensées et son langage. Seulement, Laclos ignore qu’il n’y a pas d’animaux solitaires, du moins parmi ceux qui ne sont pas tout à fait au bas de l’échelle animale. Le mâle et la femelle vivent en couples, au moins temporaires, ou en troupes ; et, presque toujours, quand la mère survit à la naissance de sa progéniture, elle en prend soin, l’initiant ainsi à la véritable vie sociale.

Dans ce grand duel qui divisa jusqu’à leur mort Rousseau et Voltaire, le bon sens et la raison ne furent pas une seule fois du côté de Rousseau. Les paradoxes du Genevois ont même quelque chose de triste à la fois et de répugnant, on dirait de gluant. Il représente, par excellence, l’anarchiste anti-social, qui ne se sent plein de haine pour la civilisation que parce qu’il est incapable de la comprendre et d’en jouir. Laclos s’est singulièrement diminué en se mettant à l’école de cette philosophie déclamatoire et méchante. Il est heureux pour sa réputation que les événements politiques aient arrêté sa carrière littéraire. Vraiment il n’avait qu’un livre à écrire, les Liaisons dangereuses. Tout ce qu’il rédigea par la suite est ou puéril, ou maladroit.

La seconde partie de son essai sur l’Éducation