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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/368

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17.

Quelques-uns ont cru que le véritable Edgar Poe était l’homme du magnétisme, de la fantasmagorie, de la perversité, de la mystification. Je ne le pense pas. Cela, c’est le Poe irrité contre la plèbe démocratique, contre le journalisme ignorant, et qui, au lieu de s’emporter, raille. Mais quand un Edgar Poe raille, il s’élève si haut que sa moquerie semble une bienfaisante leçon : et ceux-là même auxquels il explique en vain l’absurde etl’incompréhensible se laissent mystifier pour la joie de participer à des jeux puissants et parfaits.

18.

De toutes ses mystifications, la Genèse d’un poème est celle qui a été admise le plus volontiers et crue le plus longtemps. Baudelaire, entré à miracle dans le génie et jusque dans les manies d’Edgar Poe, n’a pas voulu avoir l’air de mettre en doute des pages aussi affirmatives. Quant au vulgaire, il a été flatté d’apprendre, du poète lui-même, que la poésie n’est qu’une combinaison volontaire de sons et d’idées préalablement choisis avec soin comme les petits cubes de verre dont se servent les