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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/65

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LE BONHEUR LITTERAIRE

M. EDMOND ROSTAND


Le bonheur : on dit aussi la chance, et aussi, dans une langue tout à fait nouvelle, la veine. Bonheur, chance ou veine n’ont pas, en littérature, un rapport très exact avec le talent, et encore moins avec le génie. C’est un lieu commun qu’il y a des talents et même des génies inconnus. Il y en a sans doute assez peu, s’il s’agit d’une obscurité absolue ; il y en a beaucoup, s’il ne s’agit que d’une obscurité relative. On citerait aujourd’hui plus d’un nom qui n’est pas à sa vraie place dans l’admiration des hommes et qui, hélas ! n’y sera peut-être jamais. L’on dira plus tard, dans les manuels de littérature : leur réputation n’a pas égalé leur talent, — et l’on passera. Cela vaut peut-être mieux, après tout, que de se préparer cette autre mention, qui n’est pas plus rare : la réputation