des arbres inconnus. Où ? Vers des souffrances ignorées. Il leur déplaît qu’on célèbre toujours les mêmes paysages, les mêmes bustes et les mêmes regards, les mêmes larmes. Ils veulent renouveler les formes de la pitié et les formes de la beauté.
Tels sont exactement les mobiles qui ont dirigé Octave Mirbeau dans sa carrière de critique et de journaliste, car il poursuivit également et avec la même générosité foncière, l’injustice sociale et l’injustice esthétique. Il s’adonna à cette double guerre avec une fougue merveilleuse à voir, mais souvent excessive ; il blessa ses ennemis et aussi quelques-uns de ses amis. Il était allé si loin dans l’inconnu qu’on le croyait perdu : il revint.
La grande douleur des voyageurs lointains, c’est qu’ayant cueilli des fleurs miraculeuses et des sourires incroyables, ayant combattu des monstres stupides et des dieux mauvais, ayant connu des chairs aux frissons inhumains et des yeux aux pleurs sanglants, ayant vu l’innommable, ils sentent un jour, le jour du retour, en leur cœur effaré et confus, l’inanité des voyages, des dévouements, des périls ; et le bûcheron qui n’a jamais quitté sa forêt les étonne par des questions simples. Car il faut raconter sa promenade, le soir venu, et on s’aperçoit