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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/83

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Une excellente biographie vient de mettre à sa véritable place dans les lettres contemporaines la figure d’Octave Mirbeau, montrant en lui, non seulement l’écrivain passionné, mais aussi l’explorateur littéraire et social, le philosophe qui contemple l’avenir en regardant le présent et qui ne craint, ni de dénoncer une iniquité, ni d’admirer le génie naissant d’un jeune homme, fût-il seul à sentir ainsi, à parler ainsi. Il est souvent seul, surtout quand il s’agit d’admirer, car on n’admire plus ; on regarde et on passe. Mirbeau aura peut-être été le dernier admirateur, le dernier cœur capable d’enthousiasme spirituel. Qu’on lise par exemple cette lettre qu’il écrivait à Maupassant ; on verra comment il va jusqu’à se déprécier lui-même pour exalter son ami ;

« … Je vis dans une double angoisse et une double lutte. Je m’escrime contre l’adjectif rebelle et le ton qui fuit ; et lorsque le soir vient, fatigué de mes œuvres, écœuré de ma plume, je remets toujours au lendemain le soin d’écrire mes lettres. Et le lendemain ne vient jamais.

« Cela ne m’a pas empêché, toutefois, de lire ton volume… J’admire vraiment comme tu t’es rendu maître de ton métier. Il y a dans tout ce que tu fais une souplesse, une variété, une aisance forte et libre