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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér2, 1913.djvu/75

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LE COMTE DE GOBINEAU


Depuis qu’il y a une littérature et une pensée françaises, c’est-à-dire depuis bientôt un millier d’années, presque tous les grands esprits européens ont eu dans la France intellectuelle quelques-unes de leurs racines. Dante s’était nourri de nos poètes et de nos théologiens ; nos chansons de geste donnent leurs dernières fleurs dans les épopées lyriques ou ironiques de l’Arioste, de Cervantès, du Tasse ; Shakespeare prend à Montaigne sa philosophie : le doute qui grimace dans Hamlet est celui qui sourit dans les Essais ; Descartes enseigne à Spinoza sa discipline ; notre théologie scolastique aboutit à Kant et meurt avec lui, de même que notre génie classique trouve en Gœthe son dernier épanouissement ; des observations amères de nos moralistes, Schopenhauer construit son grand drame métaphysique ; Pascal et La Rochefoucauld, Stendhal et Gobineau furent parmi les maîtres de Nietzsche.