Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

développant d’amères considérations sur la veulerie de la littérature présente. Je crois que c’est Villiers de l’Isle-Adam qui m’avait envoyé. Ce nom que je murmurai, ne fut pas étranger sans doute à l’affabilité de Huysmans. Cela jetait entre nous un pont, cela nous donnait un sujet de conversation, cela déterminait la qualité de l’atmosphère littéraire. Huysmans avait pour Villiers une admiration profonde et beaucoup d’affection. Je restai longtemps. Il me retenait debout près de la porte. Quand il était las d’écrire, l’ennui, disait-il, l’accablait dans ce bureau morne. Il m’engagea à revenir. Ce fut le début d’une liaison qui devait durer deux ou trois ans.

Je sortais de la Bibliothèque Nationale à quatre heures. Huysmans ne quittait son bureau qu’à cinq heures. C’est donc moi qui venais le prendre, et presque tous les jours, pour le ramener vers le faubourg Saint-Germain, où nous demeurions tous les deux.

Par les Champs-Élysée et les quais de la rive gauche, nous nous dirigions vers le café Caron, situé au coin de la rue de l’Université et de la rue des Saints-Pères. C’était fort régulier. Huysmans, qui était sous-chef de bureau à la direction de la Sûreté générale, ne faisait pas de zèle. Chargé en particulier du service des jeux, cercles et casinos, dès