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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/102

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une importance qu’aucune revue n’a jamais retrouvée. Son directeur était un intendant à la nomination de l’État. Ses rédacteurs recevaient non seulement des émoluments, mais des pensions. Pendant quatre ou cinq ans, çà et là, on devine en quelque coin d’article, parmi des pages qui peuvent être de tout le monde, des phrases qui ne peuvent être que de Rivarol, car, dès ce moment, la forme de son esprit est fixée : lui seul a ce talent, qu’on a parfois imité en vain, de décerner ces éloges qui laissent perplexes, soit par leur énormité, soit par leur tour équivoque. Un sot ne pouvait-il pas se tromper à ceci ; il s’agit d’une tragédie où l’auteur amplifie un passage de Britannicus : « On ne peut pas se méprendre à cette imitation. Nous observerons seulement que Racine a mis beaucoup moins de vers. Racine n’avait pas tant de fécondité. » Rivarol, malgré la Révolution, conservera toujours cet art de cacher sous un sourire son mépris ou sa colère. Les temps qu’il vécut permettaient l’indignation : il n’y céda jamais que de premier mouvement ; souvent, comme honteux, il reprend en ironie ses premières touches de colère. Dans ses épigrammes sur Mirabeau, on voit toute la gamme de l’esprit de Rivarol, depuis la malice jusqu’au sarcasme. Le sarcasme est italien, l’ironie est française.

Le premier écrit séparé de Rivarol est une Let-