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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/107

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seulement à Littré[1], mais à Fiorenlino, à Brizeux et aux autres. De toutes les traductions de l’Enfer, celle de Rivarol demeure, non pas la meilleure, certes, et encore moins la plus exacte, mais la seule qui ait une valeur d’art, la seule qui soit une œuvre de volonté à la fois et une œuvre littéraire. Il est bien difficile de lire de suite l’Enfer de Brizeux, par exemple, et de s’y plaire. L’obscurité déconcerte à chaque pas, et pour réellement comprendre, il faut recourir au texte italien. Ceux qui n’ont pas cette ressource se découragent. Le médiocre mérite des traducteurs modernes est la littéralité ; mais comme elle a des limites, ils tombent eux-mêmes dans la périphrase. Rivarol s’est donné bien de la peine pour rendre assez mal ce vers[2] :

Ed egli avea del cul fatto trombetta.

Brizeux, littéral, laisse voir une pudeur typographique qui change aussitôt en grossièreté la franchise de Dante : « Et celui-ci de son c… avait fait une trompette. » Mais Dante lui-même a reculé devant le mot. Son vers est une périphrase. Cherchez dans les notes de Rivarol[3] : « Le chef répond à ces grimaces par un pet, puisqu’il faut le dire. »

  1. Dont le travail est un excellent, et méritoire, et utile exercice de philologie comparée.
  2. Inf., xxi, 139.
  3. xxie chant, Note 8.