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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/251

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mouvement, où se distinguait une société secrète, la compagnie du Saint-Sacrement, n’était pas particulier aux dévots catholiques. Les dévots protestant, en France ou en Hollande, n’étaient pas moins ardents. Le pasteur André Rivet publia même à La Haye un traité contre le théâtre où il reproche au clerg-é français sa mansuétude, et un sieur Philippe Vincent, non moins pasteur du saint évangile, fulminait, à la Rochelle, « contre les comédiens, bateleurs, farceurs et toutes sortes de gens qui ne servent qu’à donner du plaisir et à corrompre les mœurs ». Mais, parmi les ennemis de la comédie, les plus échauffés étaient encore les jansénistes. Ils entrent en scène précisément au moment des premiers succès de Molière, qu’ils poursuivront d’outrages jusqu’à sa mort, et encore au delà. Ils lancèrent contre lui un de leurs scribes, Barbier d’Aucour, lequel, stylé par l’élégant Nicole, le présenta au public dévot tel qu’un cynique prêcheur de tous les vices. « Le dessein de Molière, dit-il, est de perdre les hommes en les faisant rire, de même que ces serpents dont les piqûres mortelles répandent une fausse joie sur les visages de ceux qui sont atteints. La naïveté malicieuse de son Agnès a plus corrompu de vierges que les écrits les plus licencieux ; son Cocu imaginaire est une invention pour en faire de véritables. » Ces aménités nous font