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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/308

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« F…… », dit-il. La serrure, raconte Chamfort, obéit aussitôt et Choiseul expliqua, sans se déconcerter : « J’ai eu bien des difficultés dans ma vie, il n’y a que ce mot-là qui m’ait jamais servi. » Il n’y a, pareillement, qu’un seul mot qui serve aux ennemis de la liberté d’écrire, c’est le mot Pornographie. Quand ils ont dit cela, ils croient avoir tout dit. Ils se trompent. Un mot n’a de valeur dans un raisonaement que lorsqu’il a été bien défini. Or le mot de pornographie ne l’a jamais été. Il veut dire en grec discours sur les femmes de mauvaise vie, et c’est le sens que lui a donné Rétif de la Bretonne, qui l’employa le premier. Pour les moralistes d’aujourd’hui, tout écrit est pornographique, qui choque les bonnes mœurs, ou plutôt l’idée qu’il est convenu que nous devons nous faire des bonnes mœurs. Le champ est très vaste. Il y a des contes de Maupassant qui nous paraissent presque édifiants et dont la hardiesse consterne un Anglais. Les Américains, qui font tout en grand, se sont confectionnés une pudeur colossale, une pudeur à trente étages, comme leurs maisons, et ils se demandent à l’heure présente, s’il ne conviendrait pas de proscrire tous les « livres jaunes », c’est-à-dire toute la littérature française, la seule qui se présente au monde sous cette fière couleur.

On taxe les Anglo-Saxons d’hypocrisie. C’est