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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/310

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Mais, ce qu’il y a de curieux, c’est que les romans de Zola, de Huysmans, de Descaves et de quelques autres furent vraiment considérés chez nous, par des critiques, heureusement défunts, comme des livres pornographiques. Ce mot a peut-être été écrit quinze cents fois à propos de Zola. Il y avait jadis à l’Événement, je crois, un chroniqueur, nommé Léon Chapron, qui n’appelait jamais Huysmans que : Orduremans. Par ce seul mot il exprimait sa haine du naturalisme et son amour de la vertu. Qui donc, à l’heure actuelle, aurait l’idée d’aller demander aux Sœurs Vatard ou même à Nana des sensations pornographiques ? Ce qui a paru hardi est, vingt ans après, devenu anodin. La pornographie d’aujourd’hui est la berquinade de demain. Je citais, quelques lignes plus haut, Pigault-Lebrun. Ce nom, bien oublié, est celui d’un romancier qui scandalisa plusieurs générations de moralistes. Son succès était très vif près des amateurs de littérature pimentée. Le temps a fait son œuvre : le piment est devenu de la guimauve. C’est d’ailleurs ce qui attend la prétendue littérature pornographique d’aujourd’hui. Elle ne l’est que sur la couverture, dans quelques vilaines images et dans l’intention des auteurs. Ouvrez ces volumes, vous n’y trouverez rien que les coutumières rengaines. Qu’on laisse donc en paix ces pauvres gens qui pas-