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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/321

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que, là-bas, tout ce qui s’intitule religieux devient sacré, devient « tabou ». Au nombre d’environ quinze millions seulement, les catholiques sont très puissants à cause de leur cohérence remarquable, de leur solidarité sociale. Le jour n’est pas loin, sans doute, où ils mèneront l’État, à peu près comme le fait, en Allemagne, le centre catholique. La plus puissante organisation ouvrière des États-Unis, les Chevaliers du Travail, est, comme disent les Américains, « sous le contrôle » des évêques catholiques. Ces catholiques, enfin, et ces protestants variés, ennemis sur beaucoup de points, s’entendent à merveille sur celui-ci : qu’il faut faire régner aux États-Unis la morale chrétienne. De là cette croisade contre l’immorale France que, de Neu-York à San Francisco, prêchent à peu près tous les journaux populaires. Le clergé tonsuré et le clergé à tous cheveux, le clergé à barbe et le clergé glabre, le clergé à soutane et le clergé à redingote, tous les ecclésiastiques, enfin, de ce pays, qui en regorge, se sont unis pour déclarer la guerre au livre français. C’est une rage, c’est une folie, c’est, je le dis bien, une croisade.

Cependant, il faut un prétexte à une guerre. On l’a trouvé dans le livre « pornographique ». Ce livre, presque inconnu en France, comme le constatait récemment M. Jules Claretie, est générale-