Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demande de porc salé. Si Paris fabrique de la pornographie, c’est qu’il y a un marché international pour la pornographie, le marché intérieur étant fort restreint. Si l’on demandait des « Paul et Virginie », les mêmes auteurs fabriqueraient le roman sentimental illustré de touchantes images. Le prétexte est donc très mauvais. Si les Américains réprouvent ce genre de livres, qu’ils lui ferment leurs portes. S’ils aiment les livres sérieux, qu’ils nous le disent ; nous n’en manquons pas, nous leur en enverrons des flottes entières. Mais c’est probablement nos livres sérieux qu’ils craignent le plus. Ce qui leur fait peur, c’est la liberté de notre esprit, c’est la hardiesse de notre philosophie, c’est notre critique religieuse franchement négative, c’est notre parti-pris de ranger parmi les choses futiles la dispute théologique qui, là bas, constitue le fond de la littérature, avec quelques livres de voyages et quelques romans anodins.

Mais il y a une autre Amérique que celle qui diffame la France ; il y a l’Amérique qui aime la pensée française, qui l’étudié et qui sait, en de belles pages, la glorifier. Il y a, aux États-Unis, une élite intellectuelle pour qui la littérature française est une inépuisable source. Au-dessus des journaux qui propagent l’ignorance et la haine du livre français, il y a ceux qui ne perdent nulle