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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/327

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condamne généralement ce que les évêques ou certains théologiens lui conseillent de condamner. Les décisions parviennent rarement à la connaissance du public français, qui s’en est toujours fort peu soucié, jadis par gallicanisme et dédain des décisions romaines, maintenant par impiété, ou plutôt par indifférence. L’Index a quelque crédit dans les autres contrées catholiques, dans l’Allemagne papiste, en Belgique, en Espagne, en Italie, et surtout au Canada, pauvre pays complètement sous la main des prêtres.

Si l’Index avait été pris au sérieux en France, il n’y aurait pas de littérature française, car elle est quasi tout entière à l’index, depuis Rabelais et Montaigne jusqu’à Michelet et Zola. Il n’y aurait pas davantage de philosophie française, puisque Descartes est à l’index aussi bien que l’inoffensif Victor Cousin. Descartes fut condamné à corrections, donec corrigatur, selon la formule de ces bonzes. Mais que c’est donc curieux, un comité de capucins jugeant le Discours de la Méthode !

L’Index poursuit beaucoup moins le livre licencieux que les écrits philosophiques ou théologiques contenant des erreurs de doctrine. Ce n’est pas une machine à régir les mœurs, c’est une machine à régir la pensée. Mais il faut croire qu’elle est bien médiocre, puisqu’en somme elle n’a servi presque à