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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/344

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tient moins au moment qu’au milieu. On a vu récemment M. Huysmans écrire la vie de Sainte Lidwine avec la crédulité, à peu près, d’un Césaire d’Heisterbach ou d’un Jacques de Voragine.

Les plus anciennes légendes chrétiennes sont les évangiles que l’on distingue, pour plaire à l’Église, en authentiques et en apocryphes. Mais un récit miraculeux n’est jamais ni authentique, ni apocryphe. Témoignage des mœurs, des croyances, des rêves d’un groupe d’hommes à un moment donné, il a une valeur psychologique dès que l’on connaît sa date, et jamais aucune valeur historique. Dom Ruinart, savant bénédictin, imagina de choisir parmi les actes des martyrs et de mettre à part ceux qu’il croyait pouvoir, appeler après examen, acta sincera. Son choix est sensé et son recueil intéressant, mais les mérites qui feraient la valeur d’un recueil de morceaux historiques ne sont pas ceux que l’on demande à un recueil de légendes. Quand Eusèbe fixe la date de l’élection d’un pape, on peut le croire, mais non pas quand il rapporte un miracle — raisonnable. Le miracle n’est jamais raisonnable ; plus il est absurde, plus il est caractéristique. Il n’y a pas de critique dans le domaine du possible.

Après la période des Actes, ce fut la période des vies édifiantes. Saint Jérôme conte la visite qu’il fît aux pères du désert, à la Thébaïde, récit délicieux