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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/404

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morions, la barbe pointue, je les pris d’abord pour des figurants de théâtre ou les héros factices de quelque cavalcade.

Un guichet s’ouvrit, je fis ma demande, à quoi un officier sans casque, mais le col orné d’une large fraise en toile ajourée répondit, l’air indifférent :

« A ceste heure se vendangent les clos. Commission est baillée aulcuns ne passent oultre le pays, pour ce que sont commencées les festes de la Purée Septembrale. Pantagruel te garde. »

Ce fut tout, mais j’écoutais toujours, surpris d’entendre au pied de la Cordillière un Ligueur me parler la langue de Rabelais.

Dès que nous eûmes repris la route de San Juan, Don José continua ses explications. Je les attendais avec impatience. Son ignorance me garantissait sa bonne foi. Il appelait la langue de Rabelais « une sorte de français » ; c’est là le meilleur témoignage que je puisse apporter encore aujourd’hui de la véracité de ce récit.

— Voilà, commença-t-il, ce que j’ai entendu de la bouche même des Aventurins ou conté par les gens qui furent en rapport avec eux. Vers le temps du roi Henri IV (qui était de chez nous, comme vous savez), des Français, où il y avait sans doute plus d’un Basque et plus d’un Béarnais,