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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/426

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mais elle exagérait. Grain de blé d’abord, c’était devenu un pois ; d’année en année, lentement, la rhose s’était arrondie. Nul topique n’y avait mordu. Les médecins conseillaient une opération, bénigne disaient-ils, mais le mot suffisait à frapper d’une égale terreur les deux époux timorés.

Habitué à cette excroissance, qui ne le faisait point souffrir, M. Lecamus avait été longtemps sans y prendre garde. Depuis quelques mois, seulement, il éprouvait un peu d’inquiétude. Plusieurs fois, alors que la chaleur lui faisait ôter un instant son chapeau dans la rue ou en omnibus, il avait surpris sur les faces voisines un sourire ou un air d’étonnement, tellement cette bille rouge était drôlement située au milieu de la pâleur luisante de ce cône arrondi.

Mme Lecamus avait fait à ce sujet de ferventes prières, avec la douleur de les voir inexaucées. Elle continuait, néanmoins, et même, en cachette de son mari, visitait à cette intention les églises et les chapelles. Sans doute elle ne demandait pas un miracle, Mme Lecamus était trop timide pour se juger digne d’une telle grâce, mais elle s’en remettait à la Providence, espérant un peu, implorant beaucoup.

Son confesseur, cependant, homme, si c’est possible, d’une piété encore plus éclairée que M. Le-