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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/433

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pose évidemment une mort récente, puisqu’il suppose en même temps que les libres-penseurs pourraient en contester, avec succès, la validité ? »

Il continua sa lecture. De nombreux miracles étaient racontés avec soin et même avec une certaine impartialité. Mais pas un seul ne se présentait qui n’eût soulevé des objections. M. Lecamus se prit à dire : « Faire repousser un bourrelet de chair qui soude les lèvres d’une plaie, faire croître un os brisé afin que les deux bouts se rejoignent, c’est bien ; faire renaître un membre, un œil, un doigt… »

Il se tut.

« Objection de commis-voyageur, reprit-il, avec honte. Est-ce que j’en suis là ? Mais elle n’est pas si sotte, après tout. Les crustacés récupèrent des pattes entières, un peu plus minces et plus faibles, il est vrai. Eh bien ! rien qu’un doigt d’enfant à la main mutilée d’un géant ! Non, cela ne sera jamais. Les miracles de Lourdes sont de l’extraordinaire ; ils ne sont pas du merveilleux. Il n’y a pas de miracles. »

Il passa sa main sur sa tête.

« Ah ! cependant, en voilà un !… Quelle sottise ! Déranger l’ordre universel pour aplanir le crâne de M. Lecamus ! Voilà donc à quoi ils passent leur temps ! Ah ! M. Huysmans a bien raison d’affirmer que « la Vierge ne joue pas la difficulté, comme on