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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/56

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quité aux prêtres d’aujourd’hui, il y a quelques différences, qu’il faut noter.

La plus importante est celle-ci : « Les prêtres des Grecs avaient un pouvoir considérable sur la masse du peuple ; ils n’en exerçaient aucun sur les particuliers : les nôtres, au contraire, nous environnaient, nous assiégeaient. Ils nous prenaient au sortir du sein de nos mères, et ne nous quittaient plus qu’après nous avoir déposés dans la tombe. Il y a des hommes qui font le métier de vampires, qui vous sucent de l’argent, le sang jusqu’à la pensée[1]. » Ici, un singulier petit tableau satirique où il semble montrer la complicité de la noblesse et du clergé à pressurer le peuple. Les uns font la parade et les autres visitent son escarcelle : « Lorsque je vois les différents personnages de la société, je me figure ces escrocs qui se rendent exprès sur les places publiques, bizarrement vêtus. Tandis que la foule hébétée se rassemble à considérer le bout de ruban rouge, bleu, noir, dont le pasquin est bariolé, celui-ci lui vide adroitement ses poches ; et c’est toujours le plus chargé de décorations qui fait fortune[2]. »

  1. Essai, p. 595. Noter qu’il parle du christianisme et des prêtres comme de choses abolies : Ils nous prenaient… ils ne nous quittaient…
  2. Essai, p. 596.