Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait Sainte-Beuve, cet homme d’une raison exaspérante, ce juge d’une prudence excessive, athée sournois, matérialiste honteux, pudique immoraliste. Le romantisme est une époque. Chateaubriand la domine, mais de loin et de haut. Il a parlé, il se tait ; il écoute à peine et il ne regarde plus que d’un œil distrait les mouvements de ses disciples. Il a l’indifference bienveillante de ceux qui ont beaucoup vécu. Les folies ne l’indignent pas, parce qu’il sent qu’il était capable même de celles qu’il n’a pas faites. Si la génération de 1830 a éprouvé l’influence de Rousseau, c’est à travers Chateaubriand, car on ne lisait guère cet excommunié dans le cénacle tout voué aux « bonnes lettres ». Le cénacle était vertueux ; on y cultivait la foi. Le Victor Hugo de ce moment a la mentalité d’un catéchiste de persévérance et il en gardera beaucoup jusqu’au milieu de sa fausse truculence de révolutionnaire riche. Victor Hugo est bourré du génie du christianisme. A quatre-vingts ans, le bienfait religieux le hantera encore. Il n’a pas connu Jean-Jacques de très près ; il en parle par ouï-dire. Il n’a retenu des Confessions qu’un goût passager pour une certaine simplicité, au début des Misérables. Cet évoque Myriel, chrétien anarchiste, a peut-être lu le Vicaire Savoyard, On publia, dans ce temps-là, un livre intitulé Jean--