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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/69

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Avec cela, on le voit méchant, assez borné pour s’être risqué, dit-on, vers les confins du crime, assez sot pour se désespérer d’avoir déplu au roi, lui qui avait une fortune indépendante, une famille, des amis, et tout ce qu’un esprit simple peut souhaiter de consolations religieuses. La vie de certains grands hommes est triste, regardée de près. Celle de Pascal épouvante. Tant de raison mêlée à tant d’absurdité ! Quoi ! le plus grand physicien de la nature humaine adore la Sainte Epine et porte sous sa chemise un écrit magique rédigé dans le goût des conjurations du Dragon Rouge et du Grand Albert ! Après cela, il est permis à tout le monde d’être fou, et Jean-Jacques se range en bonne compagnie.

Laissons donc. Cela n’a qu’une importance générale, et dans un autre ordre de recherches. Nietzsche est mort fou et cela n’empêche pas son œuvre, que M. Lasserre connaît et aime, d’être saine et logique. Peu importe que l’arbre soit malade : nous jugerons de ses fruits à leur saveur, et non à la qualité de l’écorce ou de l’aubier. Rousseau a mis quelques idées en circulation et il a proposé aux hommes l’exemple d’une certaine sensibilité. De ses idées, les unes sont absurdes et n’ont trompé que ses contemporains ; les autres sont exactes, et leur expression, à un moment donné, était inévita-