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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/79

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allure aussi libre se fermerait à jamais non seulement les portes de la célèbre revue, mais aussi celles de l’Académie française. Il y a moins de libéralisme littéraire, moral ou politique, dans le présent monde académique que dans celui de la Restauration ou de Louis-Philippe. Si l’Académie, en son ensemble, a gardé certaines audaces d’appréciation, ce n’est qu’à force de luttes contre un parti toujours de plus en plus puissant et sous les efforts duquel finirait, si l’on n’y prenait garde, par succomber la libre et fière pensée française traditionnelle. M. Faguet n’est pas de ceux qui souhaitent un tel résultat ; il sait maintenir sous la pression cléricale l’indépendance de son jugement, et peut-être est-il le premier à sourire, dans son scepticisme bon enfant, de ce Musset des familles, qui sera d’ailleurs très probablement une fructueuse entreprise de librairie.

Tant qu’on ne se résoudra pas à donner aux filles la même éducation qu’aux garçons, à leur enseigner la même morale, à tolérer chez elles les mêmes curiosités, il faudra bien arranger pour elles, déviriliser pour elles la littérature masculine. Le Musset des familles est une conséquence de nos préjugés ou, si l’on veut, de nos habitudes, de nos traditions. Je ne puis me tenir de le railler, mais je reconnais sa nécessité. On instruit les jeunes filles,