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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/208

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miné moi-même avant la termination de mon roman. » L’année suivante, il n’était plus. Bouvard et Pécuchet nous amuse (avec tout ce que je mets de profond dans le mot) autant que Don Quichotte amusait nos ancêtres et amuse encore beaucoup de nos contemporains. C’est peut-être le livre par excellence, le livre pour les forts, car il contient bien de l’amertume et son goût de néant porte au cœur.

J’ai dit que le Dictionnaire des idées reçues avait été conçu par Flaubert parallèlement à Bouvard et Pécuchet. En réalité, il lui est un peu antérieur, et, ayant donné le pas au roman, il fut amené à y fonder quelques-unes des idées qui s’y trouvaient indiquées. Rien n’indique pourtant qu’il y ait renoncé, si non à le faire paraître, du moins à l’achever, puisqu’on en a trouvé dans ses papiers deux rédactions différentes. À un moment il avait compté beaucoup sur un tel livre. Il écrivait à Louise Colet en décembre 1852 « Je crois que l’ensemble serait formidable comme plomb. Il faudrait que, dans tout le cours du livre, il n’y eût pas un mot de mon cru, et qu’une fois qu’on l’aurait lu on n’osât plus parler de peur de dire naturellement une phrase qui s’y trouve. Quelques articles, du reste, pourraient prêter à des développements splendides comme ceux de homme, femme, ami, politique, mœurs, magistrat ; on pourrait, d’ailleurs, en quel-