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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/218

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que de vitupérer, d’aussi fâcheux besoins, mais aussi savoir que la valeur intellectuelle et même morale d’un homme n’est pas atteinte par ces tares physiques ; lesquelles, d’un certain point de vue, témoignent peut-être d’une belle énergie vitale. Nous avons beaucoup à réformer nos jugements sur la vie ; on nous a trop enseigné que la faiblesse des uns fait la vertu des autres. Si nous voulons garder de belles illusions, ne scrutons aucune vie.

Les années 1848-1850 avaient été pour Sainte-Beuve ce qu’on appelait autrefois des années climatériques. Il atteignait quarante-cinq ans, période singulièrement critique pour la plupart des hommes qui commencent à sentir le déclin de leurs forces en même temps qu’ils sont poussés, dans tous les sens à demander à la vie d’intenses satisfactions. Des curiosités jusqu’alors éludées se dressent impérieuses l’ambition et l’amour luttent à qui aura la victoire et souvent l’ambition est obligée de reculer, devinant que son heure n’est pas tout à fait venue. Il se fait dans les passions un grand changement. Qui a aimé une femme se met à aimer toutes les femmes et qui a aimé toutes les femmes se met souvent à n’en plus aimer qu’une seule. Ce moment, qui marque le déclin, marque aussi un besoin de renouvellement.

Il faut devenir différent de ce que l’on a été pendant la première période de sa vie. C’est la crise ;