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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/231

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jeunesse et nul pourtant, parmi les jeunes gens de sa condition, ne la passa dans un milieu plus décoloré, plus rigide, moins fait pour exalter la sensibilité.

Sa mère, qui avait été élevée au Palais-Royal, dans l’entourage du duc d’Orléans, n’avait gardé ni les mœurs ni les idées de ce milieu équivoque. C’était, dans toute la force du terme, la brave mère de famille aimant plus ses enfants que son mari, comme la plupart des femmes de France, veillant avant tout sur leur santé, inquiète le matin où ils ont les joues moins rouges, torturée à l’idée qu’on les lui prendra un jour, les rassemblant infatigablement autour de ses jupes. Avec cela, douée d’une piété peu sagace, considérant la foi comme le plus haut don intellectuel, timorée au point de considérer tel qu’un livre dangereux le Génie du Christianisme ! Il est vrai que c’est dans ce livre-là que Lamartine devait trouver le principe, sinon de son émancipation, mais des rêveries qui l’y conduisirent peu à peu. Cette mère, que son fils devait idéaliser, grâce à quelques retouches poétiques, jusqu’à la présenter comme le compagnon de ses jeux, de ses études, de ses projets, eut, au contraire, semble-t-il, fort peu de communications d’âme à âme avec lui. Elle n’avait qu’une qualité réelle, la bonté, une bonté naïve et partiale dont Lamartine apprit de bonne heure à apprécier la faiblesse. En