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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/271

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énigmatique, a pour destination de combattre une légèreté qui fait méconnaître les principes ou une austérité qui les altère. » Les principes, ici, il ne faut pas s’y méprendre, n’ont rien de sévère. Il entend qu’on ne doit ni mésuser de la volupté ni s’en abstenir : ni libertinage, ni ascétisme. On trouvera la conclusion bien modérée. Sans doute, elle aurait déplu à Casanova autant qu’à sainte Thérèse, mais il y a des gens modérés, c’est aussi un fait. Il ne faut pas croire, après cela, que la vision qu’il a de l’amour soit dépourvue de toute poésie : « Que de puissances dans l’amour !. Il dissipe les douleurs de l’homme et répare sa vie. Le désespoir est reculé, le vide des choses est recouvert ; c’est un voile sur le néant. » Il faut lire tout le morceau, qui est d’une sombre beauté.

Les autres livres de Senancour sont d’un moindre intérêt. Il suffit de nommer encore le Résumé des traditions morales et religieuses, mais seulement peut-être pour ajouter que ce livre, pour nous bien innocent, fut poursuivi et que la réputation de l’auteur s’en trouva, comme il arrive d’ordinaire, accrue en des proportions considérables. Le philosophe encore obscur devint célèbre en quelques semaines et l’on se mit à réimprimer ses livres austères, auxquels le mouvement religieux de la Restauration avait été peu favorable. Senancour en effet, s’il s’affirme déiste dans ses derniers écrits,