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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/306

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nom réprouvé, mais glorieux à l’égal de celui d’un Marini ou d’un Mallarmé, demeure au premier rang de la grande bataille littéraire du dix-septième siècle. Gongora, dans sa réforme de l’expression poétique, eut pour ennemis d’illustres écrivains de son temps, Lope de Vega, Quevedo, Tirso de Molina, Calderon, et pour amis et défenseurs une belle pléiade encore, mais de moindre éclat et de moindre autorité. Finalement, ses adversaires ne triomphèrent de lui qu’en adoptant le principe de sa méthode. C’est pourquoi l’on peut dire que depuis Gongora la littérature espagnole est gongoriste.

Elle l’était peut-être avant Gongora. Le gongorisme est en effet la marque du génie espagnol, fait d’emphase et de préciosité, de recherche et de grandiloquence, surtout de l’Espagne du sud, de Cordoue et de Séville. Et cela remonte loin, car c’est avec ces mots-là que l’on caractériserait le mieux la manière de Sénèque et celle de Lucain, comme aussi celle de Juan, de Mena, de Moralès, d’Aldrete, de Sotomayor, lesquels nous mènent sans surprise excessive à Gongora lui-même. Pour achever son évolution, il subit l’influence de l’italianisant Herrera et celle de l’Italien Marini. L’un lui enseigna l’art de tourmenter la grammaire, l’autre l’art des métaphores suivies, naïvement encore préconisé par Théophile Gautier, et qui est