Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gémisse selon son humeur shakespearienne. Cela ne se goûte pleinement qu’à la lecture ; souvenons-nous que sa langue est archaïque, voisine de celle de Ronsard ou de Lope de Vega, et cela ne se traduit guère sans dommage. Voilà pourquoi Shakespeare ne gagne pas, quoi que dise M. Mœlerlinck, à la scène française.

C’est avec un sens parfait de nos goûts et de nos besoins dramatiques, qu’entre les cinq ou six pièces shakespeariennes de premier rang, M. Maeterlinck a choisi pour la mettre en français, la tragédie de Macbeth. Aucune ne présente un intérêt plus net et plus franc, plus populaire aussi, il faut bien le dire : double assassinat et châtiment des coupables, un grand fait-divers, rien de plus. Si le génie de Shakespeare n’avait passé par là, on appellerait Macbeth un mélodrame et, traduit platement, rien ne conviendrait mieux au peuple de l’Ambigu. Mais le style est un grand obstacle, et même, à défaut du style direct de Shakespeare, celui de M. Maeterlinck, qui s’étend sur le drame comme un voile d’eau, lucide et transparent.

Macbeth, qui a des mérites éternels, a quelques défauts shakespeariens. Le poète, sans doute par insouciance, a laissé quelques-uns de ses personnages à un état d’ébauche voisin de l’incohérence. Là pièce est construite à la manière cyclopéenne, avec des pierres brutes entassées sans mortier et