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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/336

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venir à son secours quand les religieuses d’Argenteuil, soudain expulsées, se trouvèrent sans asile. Plus tard encore, Abélard raconta les aventures de sa vie dans une « Lettre à un ami », qui fut rendue publique et parvint aux mains d’Héloïse. C’est alors que commence entre eux cette correspondance, grâce à laquelle, selon le mot du philosophe Cousin, leurs amours sont entrés dans l’histoire de l’humanité. Très refroidi par son accident (on le serait à moins), Abélard s’enferme dans une affection prudente et toute paternelle. Il se resserre. Devenu moine, sans vocation religieuse, il se soumet à la destinée et ne daigne pas regretter un bonheur inutile. Héloïse, au contraire, qui n’a rien oublié, se complaît dans des souvenirs dont rien ne peut la détacher. Elle a aimé, elle aime, elle aimera jusqu’à la mort ; et c’est par amour même qu’elle cède aux conseils désabusés de son mari et consent à faire le silence sur des sentiments impérissables. Quand on a lu la première lettre d’Héloïse, dit M. Gréard, on ne l’oublie jamais. Et il faut peut-être la lire pour comprendre jusqu’où peut aller la passion dans le cœur d’une femme.