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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/86

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hommes, les estimer à leur valeur. Avec lui, nous ne nous perdrons pas dans les nuages, nous resterons dans les contingences. C’est de plus un garçon assez autoritaire, ce qui n’est pas mauvais, même pour mener une toute petite revue. S’il est possible qu’une telle chose se développe et réussisse, lui seul peut influencer le destin. » Les prévisions de ce jeune poète, également fort pondéré, ne tardèrent pas à se réaliser. Une revue comme un journal, comme toute entreprise, c’est avant tout une direction, et de tous les instants. Les collaborations viennent toutes seules, et une bonne organisation supplée à presque tout le reste. Il le fallait bien pour le Mercure de France, dénué d’argent à un point qu’on ne saurait dire, et qui se lançait à la conquête du monde littéraire avec rien que des forces intellectuelles assez incertaines. Toutefois, comme il faut que le rien lui-même contienne quelque chose, il y avait des parts de fondateur à cinq francs l’une, à la petite semaine, soixante francs par an. Le plus riche de la bande, Jules Renard ou Louis Dumur, en détenait quatre. On marcha ainsi quelques années, le faible produit des abonnements et des ventes comblant les insuffisances des cotisations et il y avait tant d’ordre et de régularité que dès la seconde année la revue avait doublé d’importance et commençait sérieusement à faire figure. Les premiers tomes furent singulièrement égayés