Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et du courage. Jamais il n’y eut pareil roi, ni duc, ni comte, et depuis Charlemagne,

Ne fus bonis, c’est chose certaine,
Qui fust en tous cas plus parfais
En honneur, en dis et en fais.

Si on se ressent toujours de son premier maître, de sa première admiration, Guillaume fut à bonne école. Aussi c’est sans se plaindre jamais qu’il suivit Jean de Luxembourg dans toutes ses pérégrinations à travers l’Europe. Et Guillaume vit du pays, en un temps où c’était bonne et rare fortune, encore que l’on voyageât alors beaucoup plus qu’on ne le croit communément. L’exemple des lointains pèlerinages, dont la tradition, qui ne se perdit jamais, remontait à l’empire romain, celui des croisades avaient prouvé qu’avec un peu de persévérance on pouvait aller partout, et quasi au bout du monde, comme l’avaient fait Rubruquis et Marro-Polo. Il connut donc les Flandres, la Thuringue et la Saxe, tous pays qu’il qualifie strictement, comme ce Messein, sur l’Elbe où on boit « godale » (petite bière) et cervoise. Machaut semble avoir été jusqu’à Vienne, jusqu’à Cracovie, jusqu’à l’Adriatique d’un côté, de l’autre jusqu’en Lithuanie. Ces voyages, qu’il accomplit en sa jeunesse, donnèrent à sa vision de la vie une certaine précision : l’histoire se joue sur un damier dont il connaît les cases.