rir à son « hostel » et se montra de plus en plus tendre au verger de leurs amours. Sous un cerisier, Peronne s’assied près de son ami et met la tête sur son épaule. Mille enfantillages, cueillir une feuille, la porter à sa bouche, la tenir entre ses dents et dire à son ami : « Baisez cette feuille ! » Il n’ose, puis se hasarde à obéir, se penche vers la feuille qu’elle aspire par un mouvement des lèvres, et c’est le coin de la « douce bouche » qu’il effleure. Alors elle fait mine de se fâcher, mais elle souriait en même temps, ce qui fait augurer à Guillaume que le jeu « pas ne lui déplaisait ». D’autres fois, ils récitent des ballades, chantent des chansons, devisent amoureusement. Guillaume, en remerciement sans doute de sa guérison, avait fait le vœu d’une neuvaine. Peronne ne lui en laisse accomplir qu’une partie, le faisant chercher à tout moment, se jugeant un plus important autel que celui de n’importe quel moutier, et on voit bien à cela que la religion qui dominait alors les mœurs se laissait volontiers dominer par elles. C’est une autre courtoisie. Cependant je crois qu’il vint à bout de sa neuvaine avec le temps, mais que de distractions ! Il dit moins de chapelets qu’il n’en assemble, faits de « noix muguettes », c’est de noix muscades, de roses et de violettes. D’un tel chapel, elle couronnait son ami, et en même temps elle lui jetait au col le plus beau des colliers, ses deux bras blancs et
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