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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/52

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d’hier matin, content et racontent la petite odyssée du poète vagabond qui avait pris dans les imaginations de ce temps-là des proportions figuratives. Si on faisait l’histoire littéraire avec les souvenirs et les jugements des contemporains les uns sur les autres, qu’elle ressemblerait peu à celle où se fixe à peu près la postérité ! Celle du Parnasse, en particulier, serait singulière et on y moissonnerait les grands hommes drus comme épis sous la faucille. On connaît l’anthologie, d’ailleurs excellente, intitulée Cent poètes lyriques du dix-septième siècle. Le Parnasse à lui seul, pour ses vingt années de règne, en fournirait autant et plus, tous, en leurs meilleures œuvres, d’une égale perfection, d’une égale impersonnalité, d’une égale maîtrise ès roueries du verbe. Ce monde immense de poètes (il y en eut partout, jusqu’aux moindres bourgades) s’abreuvait au Petit traité de poésie française, de Théodore de Banville, homme charmant, mais qui avait la rime intolérante, dont la tyrannie souriante et inflexible, si elle a matérialisé jusqu’au marbre, jusqu’à l’airain cette chose ailée qui est la poésie, lui a fourni du moins une règle admirable pour ne pas forligner. Les cent poètes allégués plus haut sont presque tous antérieurs à Boileau, à son influence. Le fameux législateur ne régenta que le passé et son autorité ne produisit que le néant ; ils sont, lui et Racine, un mur après lequel commence un