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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/66

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jettent le discrédit à la fois sur le Journal, qui en prend un air fantaisiste, et sur les romans, qui en contractent un air excessif de réalisme systématique. Mais c’est précisément cela qui a donné à leurs romans dans leur fleur ce ton de pittoresque véridique qui séduisit les meilleurs esprits et s’imposa dans la suite à un large public. Les défauts de ces livres ne sont apparus que récemment, à mesure qu’on en pénétrait mieux le mécanisme. Peut-être, pour les juger, faudrait-il faire abstraction de la connaissance d’une méthode qui n’est derenue trop visible que par la faute même des auteurs, qui s’en sont trop vantés. S’ils avaient dévoilé moins ingénument leurs sources, ils passeraient pour de moins bons historiens, mais pour de meilleurs romanciers. Aller plus loin, ce serait entamer le procès même du réalisme et du naturalisme, qui ne sont qu’une confusion des procédés historiques appliqués au roman, l’histoire étant poussée jusqu’à l’anecdote, jusqu’à la description des milieux, des manies humaines, de tout le décor social, et je n’ai pas le goût de le faire, parce qu’après tout les œuvres dominent les théories et qu’il faut savoir goûter, en art, celles mêmes qui blessent nos propres tendances et ne blessent pas l’art même. Pourtant si les romans des Goncourt, et cela se pourrait, n’avaient été mis que sur fiches, en étaient restés à cette forme et se présentaient uni-