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PHILOSOPHIE NATURELLE 69 mouton. Or, il n’est plus douteux que l’habitude ne joue son rôle dans les mystères de l’alimentation. Une nourriture coutumière s’assimilera toujours mieux qu’une nourriture insolite, quelles que soient ses qualités. D’autre part, on ne voit pas que les gens qui mangent deux fois par semaine de la cervelle de mouton se fortifient particulière- ment les lobes cérébraux. On objectera à cela que le mouton est un animal sans génie. C’est exact, mais, toute réflexion faite, je déconseille l’opothérapie et je déréhabilite l’anthropophagie. Contre la méthode de Porta, au contraire, je n’ai pas de sérieuses objections. Il y a des médications plus dangereuses et moins spirituelles. Après nouvel examen de la question, M. de Varigny se rangera peut-être à mon avis. Et puis a-t-il songé aux affreuses conséquences de son apologie inconsidérée ? Que dirait le juge des brousses et des lianes du Congo à l’indigène surpris à faire rôtir un blanc, et qui, tirant de son pagne l’article de M. de Varigny, répondrait : « Je me conforme aux dernières découvertes de la science. » Oui, je le demande, quelle tête ferait l’honorable magistrat ?