Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bambin parce que celle-là, toutes les créatures de Dieu sont ses enfants. C’est la seule, à ma connaissance du moins. Santa Madonna degli Orfani, ora pro nobis.

Depuis deux mois que la Novella était l’occulte maîtresse de Guido, elle ne lui avait donné que des joies, de charmantes et adorables joies. Il l’aimait et elle souriait à son amour. À peine si, tel ou tel jour un nuage léger avait cendré le front pur ou les yeux clairs de la bien-aimée. Il aimait et, tout à son culte, se sentait aimé. Craintive d’abord, sa tendresse maintenant osait. Le doux, mais éternel sourire, ne lui suffisait plus ; l’amant sentait naître en son cœur la hardiesse de la passion, comme une rose prisonnière que la sève incite à jeter au grand jour le trésor vivant de sa pourpre. L’heure approchait où le timide adorant allait demander à la muette adorée quelques preuves, oh ! les moindres, de l’adoration partagée, l’heure approchait, l’heure du dialogue, l’heure spirituelle qui tient par la main sa sœur, — l’heure aux yeux sérieux et tendres, l’heure aux sanglantes caresses, l’heure charnelle.

La journée sans lumière qu’il passa sous le martellement de l’impitoyable horloge fut d’autant plus pénible à Guido, qu’il l’avait choisie pour les définitives interrogations. Comme les autres, comme tous les amants, il voulait savoir à quoi s’en tenir, quand il est simple d’ordonner soi-même les demandes et les réponses : mais c’est peut-être ce qu’il fit, et que faire autre chose ?

Veltro s’expliqua. C’était la fête de San Gaetano, le pays de sa femme, à deux lieues de Naples. Il avait eu