Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que j’envie, eh bien, dépouillé de tout, j’aurai peut-être la paix. »

Ayant fini cet intérieur monologue, à peine interrompu par des assentiments de tête et de vagues syllabes jetées en réponse dans la conversation, Entragues, d’un geste brusque, se leva.

— Vous partez ?

Il y avait un tel accent de reproche dans ces deux mots qu’Entragues fut frappé de remords. C’était une grave sottise : il en vit l’importance, aussitôt, car Moscowitch, soudain, se leva de toute la hauteur, prêt à le suivre.

« Puisqu’il est trop tard et que la joie du tête-à-tête m’échappe, nous sortirons donc ensemble. Je ne serai pas fâché de causer un peu avec ce Russe et s’il doit être mon rival, d’en connaître la qualité, du moins je saurai à qui je cède la place. »

C’était un enfant.

— N’est-ce pas qu’elle est charmante et adorable, vraiment ?

« Ah ! des confidences ? se dit Entragues. Ceci est excellent. Il est de ceux dont le cœur déborde sous le sentiment comme un ruisseau sous une pluie d’orage et il va me conter sa vie. Parfait. Je me sens des curiosités méchantes. Comme je vais jouir ! »

Il eut un petit frémissement de joie, et ses doigts se tordirent dans un accès de nervosité.

— N’est-ce pas ? répéta le Russe.

— Vous parlez de Mme Magne ? Je ne la connais que depuis peu. Elle a de l’esprit.

— On voit bien, reprit Moscowitch, que sa beauté,